On Georgia and the new Saakashvili

This article was published in French in the Swiss newspaper Le Temps
En Géorgie, le Saakashvili II est arrivé
22 May 2009
Denis MacShane, député travailliste britannique et ancien ministre des Affaires européennes, revient surpris de Géorgie où il a rencontré un président au nouveau visage, beaucoup plus modéré

Alors que le rythme des commémorations du 20e anniversaire de la fin de la domination russe en Europe orientale s’accélère, le Kremlin hisse de nouveau son drapeau et impose la présence de ses forces de police bien au-delà de ses frontières, sur le sol d’une autre nation européenne, la Géorgie.
Et pourtant, les Géorgiens semblent avoir confiance en leur capacité de freiner l’appétit de Moscou, de soutenir l’indépendance de leur pays ainsi que son positionnement en Europe.
Au cœur de ces questions s’impose la figure de Mikhail Saakashvili, le président qui a récemment revisité son style. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, les mains pleines des roses qu’il allait distribuer au parlement à Tbilissi, Saakashvili semblait faire exprès de présenter la Géorgie comme l’avant-poste d’une Amérique de la Guerre froide, dans la ligne de George W. Bush. En se vantant de rétablir l’ordre dans les régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, il se dressait contre un Kremlin pourtant plus assuré et plus riche que jamais. En insistant sur une entrée rapide dans l’OTAN et l’Union européenne, il donnait l’impression de vouloir courir avant que la Géorgie, encore très appauvrie, corrompue et divisée politiquement, ne puisse marcher. Réprimant durement les manifestations et contrôlant les médias locaux, l’énergique dirigeant géorgien apparaissait plus autoritaire que tous ses prédécesseurs.
Aujourd’hui, Saakashvili II est arrivé. Il permet à ses adversaires politiques de monopoliser les chaînes de télévision. Il ne parle plus d’une entrée imminente dans l’OTAN. Son discours est centré sur l’Europe et l’Union européenne. Il m’a confié qu’il ne chercherait pas à se représenter à la fin de son mandat ou à modifier la Constitution afin de rester au pouvoir, à la façon d’un Poutine.
Le président géorgien écarte désormais l’hypothèse d’une nouvelle invasion russe et salue le rapprochement entre la Turquie et l’Arménie qui, s’il pouvait être étendu au point de dégeler le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, transformerait le Caucase du Sud en une zone très liée à l’Europe, apaisée et ouverte au développement économique.
Les Russes peuvent-ils l’accepter? Depuis le début de ce siècle, la Russie a cherché à faire de la mer Noire une zone de forts remous, en exerçant des pressions sur l’Ukraine, sur la Géorgie, et sur la Roumanie au sujet de la Moldavie. Partout où la Russie a un droit de parole et de vote, elle cherche à neutraliser les critiques qui dénonçent ses tentatives de mainmise sur la région. Mais la Russie ne peut ni dicter ses choix à l’OTAN, ni mettre fin aux exercices militaires de portée modeste et non belliqueuse qui se déroulent en Géorgie. Elle ne peut pas non plus empêcher que le programme de partenariat récemment mis en place avec l’Union européenne permette d’étendre, prudemment et à pas de crabe, les activités de l’Union dans la zone de la mer Noire et de la région du Caucase.
Saakashvili se comporte maintenant comme un démocrate tolérant. Ses opposants dénoncent une supercherie. Il reste que la vision d’une Géorgie comme colonie américaine servant à appâter l’ours russe a été mise de côté. Ceux qui critiquent la position adoptée par le président pendant la guerre d’août 2008 partagent avec lui l’ambition d’ancrer fermement la Géorgie dans la communauté euro-atlantique. Washington et Paris devraient prendre au sérieux ce nouveau ré alisme en Géorgie et envoyer des messages au peuple géorgien pour expliquer que, au-delà du drapeau russe qui flotte et de la police des frontières qui opère sur leur territoire, tant l’Europe que l’OTAN ne laisseront pas un nouvel empire russe se lever sur la mer Noire. Ce que les Européens de l’Est et les Etats baltes célèbrent en 2009 ne pourra pas être éternellement refusé à la Géorgie.